En tant que réseau Europe-Afrique centrale (EurAc), nous représentons des organisations de solidarité internationale dont les sièges sont basés dans différents pays européens, et qui travaillent en partenariat direct avec des organisations de la société civile congolaise en République Démocratique du Congo (RDC). Avec cette déclaration, nous souhaitons interpeller les responsables politiques sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC et proposer des recommandations constructives à l’attention des décideurs européens.
Depuis près de deux semaines, les rebelles du M23, soutenus par les forces armées du Rwanda avancent inexorablement dans le territoire de Masisi, prenant de nouvelles positions chaque jour. À l’heure actuelle, toutes les voies d’approvisionnement de la ville de Goma sont bloquées et contrôlées par les rebelles : Rutshuru, Kitchanga, Masisi, Minova. Seuls subsistent le poste frontalier et la communication avec Bukavu par le Lac Kivu. La cité de Sake, un important carrefour d’approvisionnement, est désormais partagée entre les rebelles et les forces armées congolaises (FARDC), soutenues par les Volontaires pour la Défense de la Patrie (Wazalendo).
Ces avancées rebelles ont entraîné un déplacement massif des populations de Sake et des environs, avec 14 0401 nouvelles personnes déplacées enregistrées à ce jour, s’ajoutant à une crise humanitaire déjà catastrophique avec plus de 2,5 millions de personnes déplacées dans la Province du Nord-Kivu. La ville de Goma est au bord d’une catastrophe imminente, avec la menace d’une entrée violente des rebelles et les conséquences désastreuses qui en découleraient : pertes de vies humaines, pillages, interruptions des activités économiques, pénuries alimentaires, déstabilisation sociale généralisée.
Quatre bombes ont été larguées sur le quartier périphérique de Mugunga, causant des dégâts considérables, dont deux blessés graves et la destruction de plusieurs maisons, comme certaines qui se trouvent à proximité de l’école primaire NENGAPETA. Selon l’armée congolaise, des aéronefs civils ont aussi essuyé des tirs des drones à l’aéroport de Goma dans la nuit du 16 au 17 février dernier.
A l’heure où la population est confrontée à une menace existentielle, l’annonce controversée de la signature d’un accord de coopération entre l’Union Européenne (UE) et le Rwanda sur les matières premières envoie un signal ambigu à la société civile. Accentuant davantage les tensions régionales, elle suggère un manque de cohérence de la politique de coopération de l’Union dans les Grands lacs, et ceci en dépit d’un objectif affiché d’engagement en faveur de la paix.
La situation dans l’Est du pays exige une action immédiate et coordonnée. Les décideurs et décideuses politiques européens ont un rôle crucial à jouer dans la recherche de solutions durables à cette crise régionale.
Face à cette situation critique, le réseau EurAc recommande :
Aux Etats membres de l’Union Européenne :
- D’engager tous les moyens nécessaires pour soutenir le gouvernement congolais dans le rétablissement de la paix et la stabilité, en particulier dans l’est de la RD Congo.
- De faciliter la mise en œuvre d’un dialogue inclusif, dans des conditions optimales et avec toutes les parties prenantes en vue d’une paix durable.
- De mobiliser une aide humanitaire urgente et conséquente pour les populations déplacées, et de créer les conditions propices à leur retour dans leurs zones d’origine.
- De tirer avantage de la force diplomatique de la Présidence du Conseil de l’UE afin d’appeler à la fin de l’impunité internationale pour les crimes de lèse humanité commis à l’est de la RD Congo depuis plus de 30 ans.
A l’Union Européenne :
- D’engager des actions humanitaires pour faire face aux souffrances de la population de l’est de la RD Congo.
- De condamner fermement le Rwanda pour son soutien à la rébellion du M23, impliqué dans des violations des droits humains et du droit international humanitaire.
- D’assumer pleinement ses responsabilités, pour pousser les parties impliquées dans le conflit à s’engager dans un dialogue de paix constructif.
- De nommer un représentant spécial de l’UE dans la région et d’allouer un budget suffisant au bon déroulement de son mandat afin de faciliter les processus de dialogue entre les parties prenantes et réaffirmer la volonté de l’UE de s’engager activement en faveur de la paix dans la région.
- De promouvoir la solidarité internationale et le respect strict des Droits Humains en cette période critique pour la région des Grands Lacs, en incluant toutes les communautés et en rejetant toute forme de division.
1 CDJP-Goma (19/02/2024)
A propos d’EurAc
Le Réseau Europe-Afrique centrale (EurAc), créé en 2003, a pour objectif de soutenir la région des Grands Lacs dans la construction d’un avenir meilleur. EurAc mène un travail de plaidoyer en faveur d’un engagement fort, cohérent et durable de la part de l’Union Européenne et de ses États membres, intégré à une approche régionale. EurAc rassemble 33 organisations européennes de la société civile qui travaillent dans et sur la région et qui soutiennent la société civile locale au Burundi, en République démocratique du Congo (RDC) et au Rwanda dans la promotion de la paix et du développement, et dans la défense des droits humains.